COMMENT S’AMÉLIORER EN IMPRO

Dan Goldstein (Copyright, 2009)

Traduit par Hugo Labrande

 

 

Voilà quelques recettes de base pour l’improvisation.

 

*** = Idées clé. Les choses que les maîtres de l’improvisation font sans réfléchir.

 

ACCEPTEZ L’INFORMATION : OUI ET  ***

Quand un autre improvisateur vous donne une information, tout d’abord, prenez-la pour acquise, et ensuite, ajoutez-y un peu plus d’information. Si quelqu’un vous dit que vous portez une jupe hawaïenne de hula, répondez lui que oui, et que vous l’avez faite ici même, au Club Med. Continuez à faire ceci pendant un petit moment, et vous aurez une scène fascinante avec des informations, des objets, et des relations qui se dessinent. Si vous ne le faites pas, tout le monde vous détestera, même vos parents.

 

AJOUTEZ DE L’HISTOIRE COMMUNE ***

Le moyen le plus efficace pour ajouter du réalisme et de la profondeur à votre scène est de faire que vos personnages fassent référence à des évènements de leur passé commun. Un simple dialogue comme :

« Tu veux nous faire arrêter ou quoi ?

- Comme la fois où on a traversé le terrain tous nus pendant le match de Lacrosse entre Princeton et Yale ? »

donne beaucoup d’informations en quelques mots. Le public et les improvisateurs peuvent en déduire que les personnages sont des étudiants dans une fac américaine, que ce sont des fauteurs de troubles, qu’ils ont de l’éducation, qu’ils habitent en Nouvelle-Angleterre [NdT : près de Boston], qu’ils aiment bien boire un peu trop, qu’ils ont déjà été arrêtés et ont peut-être un casier, qu’ils sont amis depuis un long moment, et plus. Rien qu’avec une phrase, la quantité d’information utilisable par les improvisateurs est bien plus grande qu’auparavant.

Certains profs d’impro donnent le conseil d’utiliser le présent aussi souvent que possible. Je ne suis pas d’accord avec cela. Cependant, je pense que vous devriez éviter de parler un peu trop du futur. Ce qui se passera dans le futur est incertain, et pourra changer vos personnages. Les choses passées sont certaines, et ont déjà changé et modelé votre personnage.

 

DEMANDEZ-VOUS « SI CECI EST VRAI, QUOI D’AUTRE EST VRAI ? » ***

Bien souvent en impro, les choses dévient de la normale, du quotidien. (Ca arrive pour plusieurs raison, et bien souvent ça n’est pas fait exprès. L’impro est un exercice de communication sous contrainte, et forcément les gens ne se comprennent pas toujours parfaitement, et ces incompréhensions, et d’autres facteurs, peuvent amener à s’écarter du quotidien.) Dans des situations fantaisistes, répondez de façon réaliste, et gardez toujours en tête la question suivante pour vos actions suivantes : « si ceci est vrai, quoi d’autre pourrait être vrai ? ». Quand vous trouvez la réponse à cette question, vous pouvez la jouer.

Par exemple : supposons qu’un personnage décroche le téléphone et appelle Maureen. L’improvisateur à l’autre bout du fil dit « Désolé, c’est un faux numéro », et raccroche. Le premier personnage dit alors « Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment, j’arrête pas de composer des faux numéros. » Les autres improvisateurs se demandent ensuite : « Si ce personnage ne peut composer que des faux numéros, quoi d’autre pourrait être vrai ? » Ils trouvent des nouvelles scènes qui pourraient se passer et les commencent. Quelqu’un entre sur scène et crie au feu et lui dit d’appeler le 112, et quelqu’un d’autre décroche le téléphone en disant « 118 218 j’écoute ! ». Le premier improvisateur essaie d’appeler sa copine et tombe sur une autre femme, qui reconnaît sa voix car cela fait plusieurs fois qu’il se trompe de numéro. Elle commence à flirter avec lui. La copine du personnage commence à penser que quelque chose est en train de se passer, et regarde dans l’annuaire pour trouver toutes les filles dont le numéro est différent du sien d’un seul chiffre, pour ensuite frapper à leur porte et s’engueuler avec. La chaîne de « Et si ? » continue, avec chaque improvisateur se posant une seule question : « si ce mec ne peut appeler que des faux numéros, qu’est-ce qui peut se passer ? »

 

DONNEZ BEAUCOUP DE DÉTAILS

Si vous alliez dire « Jolie voiture ! », pourquoi ne pas dire plutôt « Ouah, un Volvo Station Wagon de 1979 ! ». Si on sait que la propriétaire de la voiture est une fille de 21 ans, on peut essayer de la visualiser (peut-être pas vous, mais moi je peux : elle a de la peinture à l’huile bleue et blanche sur ses doigts, elle porte une chemise d’homme trop grande et un pantalon en toile de jute, et a des cheveux longs, raides et châtains). Une image plus évocatrice ouvre un monde plus riche. Les adjectifs aident à développer une scène plus rapidement.

 

SCÈNES DE DÉBUT

En gros, il vous faut converger vers la chose la plus intéressante le plus vite possible. C’est pour cela qu’on donne souvent le conseil suivant : commencez une scène avec deux personnages, ou commencez une scène avec deux personnes qui ont une histoire en commun. Pourquoi commencer une scène de cette façon :

-         Salut.

-         Bonjour.

-         Comment tu t’appelles ?

-         Jim. Et toi ?

-         Mike.

-         Quoi de neuf ?

-         Il me reste un mois à vivre.

Alors que vous pourriez faire une scène de la sorte :

-         Jim, il me reste un mois à vivre.

-         Attends, je vais te chercher un verre.

-         Non, c’est ma tournée.

 

DÉMARREZ AVEC DES ACTIONS QUI DÉFINISSENT DES PERSONNAGES

De telles actions définissent un rôle ou une fonction d’un personnage, comme par exemple un professeur qui efface un tableau, une femme de ménage qui lave un sol, ou un enfant qui joue avec ses jouets ; elles sont très bien pour le début d’une scène, car elles donnent à votre comparse une base sur laquelle elle pourra construire. Ces actions en disent long sur ce qui est en train de se passer, et aident donc la scène à avancer vers son point central plus rapidement. Notez bien que la scène ne doit pas forcément (et en fait, dans bien des cas, ne doit pas tout court) parler de boire de la bière ou couper de la salade juste parce que c’est ce qu’un des personnages est en train de faire. Deux personnages peuvent commencer une scène alors qu’ils sont tous deux occupés à faire une action. Rajouter de l’information sur le statut et la position réciproque des joueurs au sein de cette action permet également de transmettre beaucoup d’informations en peu de temps. Par exemple, pensez à une scène où un personnage frappe dans des balles de tennis, et où un autre personnage court après les balles. Le public a alors une idée du statut réciproque de ces personnages et où ils se trouvent avant même de commencer la scène.

 

PAS DE REFUS ***

Refuser c’est saccager ce que quelqu’un d’autre a mis en place ou est en train de mettre en place. Il y a plusieurs formes de refus :

-         Refus de mime : quelqu’un passe cinq minutes à mettre la table pour le dîner, un autre personnage marche à travers la table. Vous verrez le public se tortiller et se crisper et se sentir mal.

-         Refus de personnage : ne pas laisser l’autre être ce qu’il veut être. « Je suis votre dentiste – Non, vous êtes mon gastroentérologue ! »

-         Refus de lieu : contredire des informations sur le lieu que quelqu’un d’autre a mises en place. « Abaisser périscope. – Qu’est-ce que vous me chantez ? On est dans un hélicoptère ! »

L’improvisateur qui fait un refus ne réagit pas à l’information qu’on lui présente. Un refus rend les autres improvisateurs et le public mal à l’aise. Tout refus peut être rectifié avec une Justification, mais ça demande beaucoup de talent.

Les gens plus expérimentés en improvisation peuvent détecter la différence entre un mauvais refus et un refus comique. Dans ce dernier cas, un refus peut être cohérent avec la logique interne à la scène ; par exemple si Don Quichotte était un pilote d’hélicoptère, il pourra dire « Abaisser périscope », et son assistant faire-valoir devra alors le contredire. Cependant, il faut beaucoup de respect (le contraire du refus) pour en arriver au point où le public comprend que le capitaine est un personnage de type Don Quichotte.

De plus, des acteurs expérimentés peuvent sembler se contredire l’un l’autre quand ils jouent à surenchérir, mais si l’on y regarde de plus près, ils acceptent l’information que l’autre leur donne et rajoutent quelque chose en plus pour aller encore plus loin. Par exemple :

« Maintenant je vais t’occire avec mon épée, certifiée comme la plus coupante du royaume. Schiiing.

- La plus coupante du royaume ? Vous voulez dire que vous n’importez pas vos épées comme tout le monde ? Scha-schiiing. »

La réponse accepte ce qui a été dit, mais renchérit en trouvant un moyen de le battre sans le refuser. Un refus aurait été « Eh bien, votre certificat a menti. Shluuuung ». Acceptez et justifiez l’information que les autres vous donnent. Cela rend la scène moins heurtée, et c’est juste moins agressif que refuser ce que les autres improvisateurs ont créé.

Deux exercices peuvent aider des improvisateurs à surmonter leur envie de refuser. Le premier est le jeu du refus (c'est-à-dire jouer des scènes où chaque réplique refuse la réplique précédente), pour rendre les improvisateurs conscient de cette mauvaise habitude. Un autre exercice d’échauffement, pour les débutants, aide à se rendre compte de refus dans des scènes : à chaque fois que votre comparse fait un refus, répondez par « Eh bien je ne refuse pas de reconnaître cela ! ».

 

ENTREZ ET SORTEZ AVEC UN BUT

Entrer, sortir et rester sur scène devrait avoir une raison, être justifié. C’est la raison pour laquelle on joue au jeu « Entrées et Sorties » en répétitions/échauffements. Ne dites pas juste « Ok, salut » et sortez de scène. Donnez une raison. Les novices en impro ont souvent ce problème de sorties non justifiées.

 

LE JEU AUQUEL VOUS JOUEZ DANS LA SCENE DEVRAIT RIMER ET S’INTENSIFIER

Une maxime attribuée à Mark Twain dit que l’Histoire ne se répète pas, mais elle rime avec elle-même. Le jeu joué dans la scène est la chose que l’on répète. Cependant, je ne veux pas dire que ça doit se répéter exactement, c’est pourquoi je dis que ça doit rimer. Quand vous faites une rime, comme « étoile » et « poil », vous prenez le mot « étoile », vous le généralisez comme membre de la famille des rimes en « -oil », et vous trouvez un autre élément de cette famille. C’est la même chose avec le jeu auquel vous jouez dans la scène. Il ne faut pas le répéter exactement, mais trouver une autre chose qui rime avec et qui l’intensifie.

Par exemple prenons cette scène de Spinal Tap, où Marty est en train d’interviewer Nigel au sujet de sa collection de guitares :

Nigel Tufnel : Regarde… elle a toujours son étiquette, personne n’en a jamais joué.

(Marty la pointe du doigt)

Nigel Tufnel : Ne la touche pas !

Marty DiBergi : Ben j’allais pas la toucher, je la montrait juste du doigt !

Nigel Tufnel : Eh ben… ne la pointe pas du doigt !

Mary DiBergi : Ok, je ne la pointe pas du doigt. Je peux la regarder ?

Nigel Tufnel : Non.

Remarquez ici que Nigel ne dit pas de ne pas toucher sa guitare trois fois de suite. Ici, le motif est : ne touche pas, ne montre pas du doigt, ne regarde pas. C’est une sorte de motif de rimes (toutes sur le sujet de toucher la guitare). C’est aussi une intensification, ce qui est très important quand on joue à un jeu sur scène. Demander à quelqu’un de ne pas toucher à une guitare de collection est un peu bizarre mais compréhensible. Demander à quelqu’un de ne pas la pointer du doigt est bien plus bizarre, et demander à quelqu’un de ne pas la regarder est une intensification du jeu « respecte ma guitare », ici poussé à l’extrême.

 

RENDEZ VOUS UTILE A L’HISTOIRE

Dans une forme longue, essayez de ne pas penser à vous. Au lieu de ça, demandez-vous toujours « Comment puis-je apporter quelque chose à l’histoire en général » et « Quelle est ma fonction ici ? ». Une forme longue structurée, comme par exemple un épisode des Simpsons, devrait avoir un personnage principal.

 

FORMEZ DES GROUPES QUAND LE NOMBRE D’IMPROVISATEURS SUR SCENE EST GRAND

Quand votre forme longue est en train de perdre un peu de sa cohérence, revenir à des scènes avec deux personnes et dialoguer l’un avec l’autre ramènera une certaine harmonie et cohérence en un rien de temps. (Oui je sais, c’est la troisième fois que je le dis, mais c’est vous dire à quel point c’est vrai.) Ce nombre 2 peut être conservé en faisant que des nouvelles entrées en scène soient compensées par des sorties immédiates, mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps non plus. Si il y a du monde sur scène, les personnages non-essentiels devraient toujours essayer de ne pas faire trop de choses, et peuvent aussi former des groupes (physiques ou idéologiques) derrière un leader. Par pitié n’abandonnez pas un joueur sur scène, sauf si il veut vraiment y rester seul.

 

DONNEZ-VOUS UNE SUGGESTION A VOUS-MEME QUAND VOUS N’EN DEMANDEZ PAS UNE AU PUBLIC ***

Tout le monde sait qu’une scène est toujours mieux quand on y entre avec une attitude, une activité ou une émotion – alors choisissez-vous-en une, soit au hasard ou en réponse à un autre personnage, et vous aurez une meilleure scène.

 

N’ECOUTEZ PAS LA VOIX DE LA RAISON

Dans nos vies quotidiennes, bien souvent il semble logique de suivre la voix de la raison. Dans la vraie vie, si votre ami vous dit « Je suis moche », vous lui direz qu’il n’est pas moche, même si il l’est. Pourquoi ? Peut-être parce que vous avez l’impression que ça n’est pas très important, parce que vous voulez qu’ils se sentent mieux, vous voulez préserver votre amitié, etc. Mais sur scène, on n’applique pas forcément la même logique. Le public vient au spectacle pour échapper au monde quotidien et logique, ils veulent voir des limites transgressées. Vous pourriez répondre à « Je suis moche » par « Tu sais, j’avais envie de te le dire depuis un moment… ». Vous pourriez braquer une banque parce que quelqu’un vous dit de le faire. Vous pourriez flatter d’un air sournois quelqu’un qui vous insulte. En clair, vous pouvez faire des choses sur scène que vous ne feriez pas dans la vraie vie. Essayez d’aller à l’encontre de la voix de la raison, vous vous sentirez libéré. Vous n’avez pas forcément besoin de justifier vos actions, parfois un seimple « Je ne sais pas pourquoi je fais ça, mais… » sera suffisant.

 

ENCHAINEZ VOS REPLIQUES ***

Il est quasiment possible de garantir une bonne impro si chaque joueur : 1) Dit juste une réplique et 2) Fonde sa réplique sur la dernière chose dite par l’autre personnage.

 

JUSTIFICATION

Vous devez donner une raison pour tout ce que les spectateurs voient et qui n’a pas l’air de faire sens. Sinon, vous les perdrez. C'est-à-dire, si trois personnages miment le réfrigérateur à des endroits différents de la scène, le personnage qui maudira celui qui a eu l’idée de le monter sur des roulettes rassurera le public et lui permettra de rentrer dans l’histoire et dans les personnages. Ca les fera également rire, mais ça n’est pas aussi important.

 

CONCENTREZ VOUS SUR CE QUI EST SUR SCENE ET HUMAIN

Attention à ne pas fixer pendant trop longtemps des objets qui sont hors de scène, sur le sol ou dans votre main. Ce qui est intéressant n’est pas l’objet lui-même, mais la réaction humaine face à cet objet (ou personne, ou évenèment).

 

GARDEZ LE MEME POINT DE VUE POUR VOTRE PERSONNAGE

Si un personnage commence par aimer les lémuriens, puis décide 10 minutes après qu’elle ne les aime plus, ça risque de perturber le public et les autres improvisateurs. Une fois que vous aimez les lémuriens, continuez à les aimer jusqu’à ce que vous ayez une raison d’arrêter. Bien souvent vous continuerez à les aimer pendant toute la pièce. Si vous restez cohérent, les autres improvisateurs pourront trouver un moyen intéressant d’interagir avec votre personnage.

 

FAIRE DES BLAGUES

N’essayez pas d’être drôle ou de raconter des blagues sur scène. L’humour viendra de lui-même si vous construisez des relations affirmées et des histoires solides et simples.

 

AMELIOREZ VOTRE MIME, BEAUCOUP

Environ 50% du jugement qu’un public va porter sur vous en tant qu’improvisateur repose sur la qualité de votre mime et de votre jeu physique. Ne me croyez pas, sortez cette semaine et allez regarder le meilleur improvisateur de votre ville. Je vous parie que leur travail avec les objets est extraordinaire. Malheureusement, il y a peu d’improvisateurs qui cherchent à améliorer leur mime, et il y a peu de professeurs qui ont des exercices de mime dignes de ce nom. Servez-vous du mime pour être au top dans votre vie, les enfants.

 

JOUEZ L’EMOTION CONTRAIRE

A essayer de temps à autre dans des scènes avec deux personnes. Par exemple, si une personne est frustrée, entrez sur scène à l’aise et détendu. C’est une structure comique sur laquelle se basent beaucoup de films, pièces ou séries comiques.

 

DONNEZ DES INFORMATIONS SUR L’AUTRE PERSONNE

La scène patine ? Dites quelque chose à l’autre personnage qui est à propos de lui. Le simple commentaire « Joli smoking » peut servir de base à une scène de panique totale entre un futur marié et son garçon d’honneur. Plus vous êtes précis et plus la scène ira quelque part rapidement. Rester vague mène a des scènes où des personnes lambda sont dans un lieu lambda et parlent de tacos. Je rigole, les tacos c’est précis.

 

FAITES MONTER L’ENJEU

Des scènes qui patinent peuvent être améliorées en mettant plus d’enjeu, c'est-à-dire en introduisant des conséquences plus importantes comme conséquence de ce que veut un personnage. Pourquoi avoir :

« Hé, si tu m’achètes ce bonbon, je le mangerai. »

Alors que vous pouvez dire :

« Hé, si tu baisses le froc de ce flic, je te laisserai m’embrasser sur la bouche. »

 

PRENEZ SOIN DE VOUS ***

Tout simplement ça veut dire rentrer dans une scène avec une activité ou une émotion. Ceci permet d’accomplir plusieurs choses : i) ça accélère le rythme de la scène, ii) ça donne des informations à votre comparse qu’elle pourra ensuite utiliser, et iii), peut-être le plus important, ça vous donne quelque chose à faire qui rassurera votre public. Qu’est-ce que j’entends par « rassurer » ? Si les spectateurs vous voient être sur scène sans rien faire, ils vont se dire « Oh non, il ne sait pas quoi faire. Il stresse. Il est confus. » Et puis ils vont se sentir mal pour vous. Le public veut que l’improvisateur réussisse. A partir du moment où vous commencez à faire quelque chose (faire du pain, compter de l’argent, balayer le sol) ou à avoir une émotion (l’espoir, l’amour, la fierté), le public pense « Oh, je vois. Ils savent ce qui se passe. Ils ont un plan. » et ils se détendent et profitent du spectacle. Comme le disait Mick Napier : « L’impro, c’est l’art de n’avoir aucun problème avec le fait de ne rien savoir quoi f--- » En français plus poli, les improvisateurs ont toujours l’air confiants même quand ils n’ont aucune idée de ce qui se passe.

 

LE MEILLEUR CONSEIL QUE JE PEUX DONNER A UNE TROUPE D’IMPRO

Allez voir à « Enchaînez vos répliques ». Si vous êtes en train d’utiliser ce que les autres vous ont donné, vous faites de la bonne impro. C’est aussi simple que ça, les enfants.

 

LES QUESTIONS DEVRAIENT DONNER PLUS QUE CE QU’ELLES NE PRENNENT

Pourquoi poser une question sur scène ? Vous attendez-vous à ce que votre comparse aie une réponse toute prête ? Et si elle n’en a pas ? Est-ce que ça ne la met pas dans une situation tendue ? Vous ne trouvez pas que la plupart des questions ralentissent une scène alors que ça n’est pas nécessaire ? Si c’est une question « oui ou non », êtes-vous prêt à réagir aux deux possibilités ? Si non, n’êtes-vous pas dans une situation de risque si on vous renvoie la mauvaise réponse ? Si oui, n’est-ce pas de la triche ?

N’importe quelle question peut-être transformée en une affirmation. Et ce qui est bien avec les affirmations c’est qu’elles donnent des informations que vous et l’autre improvisateur pouvez utiliser immédiatement pour construire quelque chose.

Pourquoi faire quelque chose du genre :

« Quelle heure il est ?

- Euh, 3h30 ?

- T’es prêt ?

- Ouais, et toi t’es prêt ?

- Qu’est-ce qu’on fait ?

- Je sais pas. Quelle est la capitale du Dakota du Sud ?

- Euh, Fargo ? »

Alors que vous pourriez avoir quelque chose comme :

«  Il est 3h30.

- On est bien dans les temps.

- Johnson devrait être en train de donner le bout de papier au caissier maintenant.

- Il est 3h31. Mettons nos masques de ski.

- Tu penses que j’ai le temps d’aller aux toilettes ?

- Pourquoi ils ne me mettent jamais avec Johnson ? »

Des questions qui ne demandent pas de réponse sont acceptables. Des questions qui donnent plus d’informations qu’elles n’en demandent sont bien aussi, par exemple « Tu penses que j’ai le temps d’aller aux toilettes ? ». Cette question introduit de l’information, rajoute de l’enjeu, et l’autre improvisateur n’a pas vraiment besoin d’y répondre. Les questions rhétoriques, c’est bien aussi, comme « Pourquoi ils ne me mettent jamais avec Johnson ? ».

Une manière de faire remarquer des mauvaises questions *en répétitions uniquement* est de répondre aux questions par « C’est une bonne question », ou adopter la pratique Yiddish de répondre la même question.

« Qu’est-ce que tu veux ? [Mauvaise question, n’apporte rien à la scène.]

- Qu’est-ce que je veux ? [Improvisateur n°2 fait remarquer à l’Improvisateur n°1 qu’il est en train de le mettre dans une situation difficile au lieu d’apporter quelque chose.]

- Ecoute, je t’apporterai l’argent demain. [Hourra ! L’Improvisateur n°1 a compris le message !] »

 

QU’EST-CE QUI FAIT QU’AUJOURD’HUI EST SPECIAL ? C’EST UNE BONNE QUESTION QU’IL FAUT VOUS POSER

Pensez que la scène est juste « un jour comme les autres ». Quand il vous semble que quelque chose de gros ou d’incroyable est en train de se passer (par exemple, quelqu’un va enfin révéler ses sentiments, quelqu’un veut braquer une banque, quelqu’un veut se baigner tout nu dans la rivière), ne faites pas qu’en parler – faites-le. Dans des scènes de couple, pensez à toujours dire la chose que vous attendiez de dire depuis 5 ans (par exemple je t’aime, j’aime ton jumeau, j’ai mangé ton hamster…)

 

QUI QUOI QUAND ? C’EST SUPER QUAND LES GENS COMMENCENT PAR SE POSER CES QUESTIONS

Un bon moyen de commencer une scène est de dire qui sont les personnages, où ils sont, et ce qu’ils font. Vous pouvez donner cette information ou le faire pour l’autre personnage. Faites attention à accepter toute information que l’autre personnage vous donne. Qui ? Quoi ? Quand ?, puis ensuite faites monter l’enjeu – c’est une bonne recette pour commencer une scène en impro.

 

 

 

APPENDICE

Voilà quelques termes de vocabulaire que j’ai appris et que j’aime :

Blackout – Une scène très rapide, bien souvent juste quelques secondes. Au bout de trois, vous avez un « runner ».

Action caractérisante – une action qui dit aux autres improvisateurs et au public quel genre de fonction ou de rôle social le personnage a. Celles-ci sont souvent utilisées pour commencer des scènes, comme quand un professeur efface des tableaux noirs, etc.

Refus – Détruire ce que quelqu’un a construit sur scène, que ça soit un mime ou un fait.

Quatrième mur – Le mur qui n’est pas là qui, si il existait, serait entre les joueurs et le public. Les débutants doivent faire attention à ne pas tourner le dos au quatrième mur !

Scènes de gags – Des scènes très courtes et drôles. Les gens qui en font ne doivent pas se sentir obligés d’introduire des informations vitales ou faire avancer l’intrigue. Ces scènes sont juste pour rire et les improvisateurs ne doivent pas les prendre au sérieux.

Echauffement géographique – C’est un échauffement vocal célèbre dans le monde de l’impro :

Trinidad et le grand Mississippi

Et la ville de Honolulu

Et le lac Titicaca.

Le Popocatepetl c’est pas au Canada

Mais plutôt au Mexique, Mexique, Mexique

Canada, Malaga, Rimini, Brindisi

Canada, Malaga, Rimini, Brindisi

Oui Tibet Tibet

2 3 4 (on recommence)

Notes: Popocatepetl ((po po ca te' petl), surnom Popo) est un volcan au sud du Mexique qui entre en éruption tout le temps, même 11 jours avant que j’écrive ceci. Ca n’est pas un port. Malaga est un port au sud de l’Espagne, fief du vin de Malaga, doux et fort. Rimini est un port au nord de l’Italie, qui est l’équivalent de Fort Lauderdale pour les jeunes Européens. Brindisi (Brin’de zi), parfois surnomée « sleazy Brin dee’ zee » [Ndt : Brindisi la sordide], est un port au sud de l’Italie où vous pouvez prendre le ferry pour aller en Grèce. Une de mes copines et moi demandâmes une fois à l’office du tourisme si il y avait des bons films quelque part en ville. « Seulement pour les mecs », répondirent-ils.

Justification – Donner une explication pour quelque chose que le public a vu mais qui n’avait pas vraiment de sens.

Action réflexive – Une action qu’un personnage fait et refait inconsciemment. Ca aide à ce que le personnage soit remarqué et semble familier, comme un vieil ami ou votre paire de chaussons que vous aimez. C’est une des façons de « prendre soin de soi » sur scène.

Règle de trois – Trois situations amusantes (scènes, blagues, etc.) sur le même sujet ou avec le même esprit. La troisième fois est toujours la meilleure.

Règle de mille – Continuer après la règle de trois jusqu’à ce que ça redevienne marrant. Certaines personnes pensent que ça marche comme une onde sinusoïdale, et qu’il y a toujours un espoir qu’une chose redevienne marrante même si ça commence à sentir le roussi.

Runner – Trois « blackouts » avec le même thème, dont le troisième est le plus amusant de tous.

Statut – Quiconque a de l’influence ou du contrôle sur une situation a le plus haut statut dans la scène. Beaucoup de relations connues, comme juge/suspect, contiennent déjà des informations sur le statut. Les statuts peuvent facilement être inversés et ça peut devenir le point central de bien des histoires.

Oui et – Deux grands mots qui encouragent la personne qui les prononce à accepter de l’information et à y en ajouter plus.